Les tarifs accompliront peu de chose pour Trump
- pdery9
- 15 janv.
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Dernière mise à jour : 30 janv.
TEXTE D'OPINION
Le premier accord de libre-échange entre le Canada et les États-Unis est entré en vigueur le 1er janvier 1989 après des négociations qui ont duré plus de 2 ans. Cet accord mettait fin à de nombreux tarifs entre les deux pays.
À l’époque, j’étais étudiant à l’université et les négociations étaient suivies de près par tous les acteurs économiques et par la population en général. Seuls, les résultats du Canadien de Montréal pouvaient compétitionner la couverture médiatique de l’accord de libre-échange. Pour moi qui s’intéressait à l’économie, la politique et la finance, ce sujet m’a passionné. Évidemment, l’accord ne faisait pas l’unanimité, il y a eu de nombreux débats.
À l’époque, les principaux arguments favorables au libre-échange étaient que l’accord permettrait aux économies de se spécialiser et de devenir plus efficace. Les tarifs créaient une situation artificielle qui diminuait la compétitivité sur les marchés mondiaux et créaient des prix plus élevés pour la population.
Les arguments favorables semblent avoir eu raison. Depuis 1989, de très nombreuses ententes économiques transfrontalières ont vu le jour. La plus importante à mes yeux aura été celle de l’Union économique et monétaire européenne en 1992.
Les tarifs peuvent être un outil économique utile pour les gouvernements. Par exemple, pour contrer les exportations en provenance de pays qui encouragent l’utilisation de la main-d’œuvre infantile ou qui favorisent des conditions de travail qui s’apparentent à l’esclavage. Dans ces conditions, les tarifs permettent de limiter les avantages économiques qui découlent de telles pratiques. Avec le Canada et les États-Unis, nous sommes ailleurs.
Aujourd’hui, Trump menace d’imposer des tarifs. Les raisons varient dans le temps : pour un meilleur contrôle des frontières; pour que le Canada investisse davantage en défense; pour faire du Canada le 51ème état. Cela lui permet d’augmenter sa côte de popularité auprès de son électorat et d’occuper l’espace médiatique. Il défend les intérêts de son pays en prétendant que les États-Unis ont eu une mauvaise entente. Pourtant c’est lui qui a négocié la dernière. Il faudrait le lui rappeler. Peut-être a-t-il perdu « the art of the deal »? (The art of the deal est une biographie "autorisée" de Trump)
La logique économique de sa rhétorique pourrait être imagé de la façon suivante :
Trump va empoisonner le "puit" économique Canada - États-Unis. Étant donné que les "puits économiques" américains sont plus nombreux que les canadiens, les États-Unis seront moins "malades" que le Canada. Donc, Trump aura gagné. C’est une victoire dans la course au moins pire.
Si je me rapporte à mes jeunes années d’université et si j’ai bien compris ce que les Brian Mulroney, Jacques Parizeau, Bernard Landry et Michael Wilson nous ont expliqué et appris à l’époque, voici en gros ce qui pourrait se passer avec le retour des tarifs:
Pour le Canada
Les exportations canadiennes en direction des États-Unis diminueront.
Le Canada pourrait se retrouver en situation de récession
Le chômage va augmenter
La Banque du Canada diminuera le taux directeur pour stimuler l’économie
Avec un taux directeur plus bas, le dollar canadien perdra de la valeur par rapport aux dollars américains, ce qui viendra amenuiser les impacts des tarifs. La dévaluation du dollar va tendre à ramener un équilibre dans les coûts pour les Américains qui viennent acheter au Canada
Les importations canadiennes coûteront plus chères ce qui aura un léger impact sur l’inflation et une augmentation de la demande interne pour certains produits.
Les Canadiens feront moins de voyage à l’étranger
Pour les États-Unis
L’imposition de tarifs permettra aux États-Unis d’encaisser des sommes d’argent et de réduire la dette
Les importations diminueront. La production intérieure devra augmenter pour répondre à la demande.
L’augmentation de la demande interne aura pour effet de diminuer le taux de chômage américain, déjà très bas. Ils auront besoin de plus de main-d’œuvre. Peut-être plus d’immigration ?
Les tarifs créeront de l’inflation.
Pour contrer l’effet de l’inflation et la baisse du chômage, la Réserve fédérale américaine devra augmenter ses taux d’intérêt, ce qui aura pour effet d’augmenter la valeur du dollar américain et de créer un impact négatif important sur les marchés boursiers.
La valeur du dollar américain ayant augmenté par rapport aux autres devises, cela permettra aux Américains d’acheter plus à l’extérieur, dont au Canada.
L’économie a cette façon incroyable de se faufiler et de venir rééquilibrer les choses. Avec des tarifs, tout le monde est puni. La seule consolation pour le peuple américain, c’est que les Canadiens l’auront été plus qu’eux.
Heureusement que nous avons la devise canadienne pour diminuer les effets néfastes des tarifs.
De penser que les Américains de 1989 et tous ceux qui ont suivi par la suite, ont négocié une entente qui leur était défavorable s’inscrit dans un monde de licorne.
Trump aura réussi à créer beaucoup d’incertitude pour focaliser l'attention sur lui. Cependant, je doute fortement qu’il réussisse à régler quoi que ce soit avec cette politique économique. Un retour du balancier l’attend.
Quoi faire?
Évidemment à court terme, il faudra négocier. Mis à part la non-participation à la guerre en Irak, je pense que c’est la première fois que je suis d’accord avec Jean Chrétien (Lettre ouverte dans La Presse). Il faut d’abord se faire respecter.
Beaucoup le savent, une entreprise qui n’a qu’un seul client ne vaut pas cher. Le risque est trop élevé. Aujourd'hui, nous constatons que le risque économique est élevé pour le Canada. À plus long terme, il faut diversifier nos "puits économiques" et réduire notre dépendance américaine. Je préfèrerais voir nos politiciens canadiens travailler à créer de nouvelles alliances plutôt que d’aller faire des révérences en Floride.


